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Apprendre à encourager

11 octobre 2018

Par Suzanne Gainsley

Pourquoi certains adultes ont-ils autant de mal à délaisser les récompenses, les autocollants et les éloges? Pour beaucoup, ces pratiques ne sont pas remises en question parce qu’elles sont familières. Certains diront qu’ils ont reçu des autocollants, des étoiles dorées et des "bonhommes sourire" quand ils étaient petits et que rien de mal ne leur est arrivé. Pour bien des éducateurs, les récompenses et les éloges sont présentés comme des moyens efficaces de gérer un local. Et même s’ils savent que l’éloge devrait être évité, bien des éducateurs ne savent pas par quoi le remplacer.

Les récompenses et les éloges sont une solution rapide, mais déficiente pour obtenir l’attention des enfants et les convaincre d’observer les règles du local. Les éducatrices à la petite enfance doivent ainsi voir au-delà des résultats immédiats. Notre travail auprès des enfants jette les bases de leurs succès futurs, sans que les résultats soient nécessairement visibles immédiatement.

Les motivateurs externes comme l’éloge et les récompenses peuvent inciter les enfants à participer à des activités pour un certain temps, mais leur enthousiasme pour celles-ci finit inévitablement par se tarir. Les enfants en viennent à ne faire des efforts que pour être récompensés, et la récompense, qui perd de sa valeur avec le temps, doit être bonifiée pour demeurer attirante. Les enfants peuvent également se désintéresser d’une activité parce qu’elle n’est pas assez intéressante en elle-même, parce que la récompense associée n’est plus suffisamment motivante ou parce que l’enfant a peur d’échouer et d’être de ceux qui ne sont pas récompensés. L’idéal d’un éducateur est que l’enfant soit intrinsèquement motivé à participer aux activités, à relever des défis et à explorer de nouvelles idées. Aborder l’apprentissage de façon positive l’aidera pendant toutes ses études et les bienfaits de cette approche s’étendront jusqu’à l’âge adulte. Explorons maintenant quelques moyens d’utiliser des encouragements qui soulignent les efforts des enfants sans porter un jugement, comme dans le cas de l'éloge. Il y a toutes sortes de façons d’utiliser l’encouragement pour souligner les efforts des enfants, pour leur faire remarquer les résultats et pour les inciter à évaluer les conséquences de leurs gestes. Toutes ces façons impliquent des référence directes à l'agir présent ou passé de l'enfant.

Décrivez les actions des enfants

Un premier moyen d’encourager les enfants est de simplement décrire leur comportement et les conséquences positives de ce qu’ils font. Le simple fait d’observer ce que l'enfant fait et de faire un commentaire factuel à ce sujet envoie le message que l’activité a de la valeur. Un adulte pourrait par exemple dire : « Tu as grimpé tout l’escalier tout seul, tu es maintenant tout en haut. » Il aura peut-être envie d’y ajouter les mots « Beau travail ! », mais pourquoi ? Il est important de souligner les accomplissements des enfants et grimper un escalier seul est une étape importante qu’un adulte trouvera réjouissante, mais en omettant de dire que l’enfant a fait du bon travail, on le laisse définir lui-même ce qu’il pense de ce qu’il a fait. Les enfants passent naturellement beaucoup de temps à s’exercer jusqu’à ce qu’ils maîtrisent une habileté. Ils le font naturellement, parce qu’ils pensent naturellement que maîtriser une habileté est une récompense en soi.

Encouragez les enfants à décrire leur travail

Bien des enfants apprennent à accorder de l’importance aux éloges des adultes avant même d’entrer au préscolaire. Que font les adultes lorsque les enfants cherchent à leur soutirer un compliment en disant des choses comme : « Que penses-tu de mon dessin? » ou « Madame, regarde ce que j’ai fait ! ». Dans bien des cas, c’est l’attention de l’adulte que l’enfant souhaite, pas ses compliments, mais si l’éloge est le type d’attention que l’enfant a l’habitude de recevoir, il ne connaît pas d’autres moyens d’avoir cette attention. Un adulte pourrait réagir à l’enfant en disant : « Tu as fait un dessin, peux-tu m’en parler? » ou « Explique-moi comment tu as fait cette partie ». L’intention de l’adulte consiste alors à aider l’enfant à apprécier son travail et à réfléchir à la façons par laquelle il est arrivé à ces résultats. En ne jugeant pas le travail de l’enfant, on lui permet de saisir ses habiletés et à reconnaître le plaisir qu’il a eu dans le processus de travail. Le commentaire montre aussi que vous êtes attentif à l’enfant.

Participez à leurs jeux

On peut aussi encourager les enfants à participer à des activités et à relever des défis en devenant un partenaire de leurs jeux. Pour faire partie des jeux des enfants, on s’abaisse pour être à leur hauteur, on observe quel matériel est utilisé et on l’utilise d’une façon similaire. Assurez-vous de ne pas prendre les devants. Laissez les enfants décider et suivez les thèmes qu’ils choisissent eux-mêmes. En jouant avec eux et en les laissant diriger, les adultes disent aux enfants que ce qu’ils font est intéressant et a de la valeur.

Encouragez les enfants à écouter les idées des autres et à s’entraider

Les enfants se sentent bien quand les adultes écoutent leurs idées et imitent leurs gestes. L’effet est le même quand la même chose se passe entre enfants. Nous avons tous déjà vu à quel point un enfant timide est content quand les autres enfants imitent les mouvements qu’il propose lors de la période de rassemblement (grand groupe). Des interactions de ce genre peuvent se passer pendant toute la journée. Par exemple, en activité de groupe d’appartenance (petit groupe), une éducatrice pourrait dire aux enfants à sa table : « Tammy met la colle sur les coins de sa feuille, mais Jared en met juste au centre. » Certains gestes seront imités, certains enfants expliqueront ce qu’ils font de différent et feront des suggestions. On peut aussi inciter les enfants à échanger entre eux en disant : « Zack, je vois que Carla a réussi à coller ses morceaux. Peut-être qu’elle peut te montrer comment elle a fait ». Aider les autres à résoudre leurs problèmes les fait se sentir compétents et les encourage à relever de nouveaux défis. Ils deviennent ainsi moins dépendants des adultes pour obtenir de l’attention ou des éloges.

Soulignez les efforts des enfants

En participant aux jeux des enfants, les adultes peuvent cibler leurs efforts par des commentaires du genre : « Tu travailles très fort sur ta tour de blocs ». Quand les efforts d’un enfant sont reconnus, cet enfant sera plus porté à se donner des défis qu’un enfant qui a été complimenté pour ses talents innés (« Tu es si bon en construction ! »). L’effort, contrairement aux talents innées, est une chose que chacun a le pouvoir de modifier et les enfants apprennent qu’un effort accru augmente les probabilités qu’on surmonte les difficultés. En plus de souligner les efforts, un adulte peut faire un commentaire sur la persévérance d’un enfant avec des phrases comme : « Tu as essayé plusieurs fois de faire tenir le bloc et à la fin cela a fonctionné » ou encore « Ce que tu fais est difficile, mais je vois que tu continue d’essayer ». Reconnaître les efforts et la persévérance des enfants, même quand ils n’atteignent pas leur objectif, aide l’enfant à accepter les difficultés et les échecs. Ils apprennent que l’attention des adultes n’est pas conditionnelle à des résultats exemplaires. À l’opposé, l’éloge souligne la qualité du résultat; on ne le reçoit que si on a fait du « bon travail ». Du point de vue de l’enfant, l’effort et la persévérance ne sont pas récompensés. En soulignant les gestes des enfants, on évite aussi de mal comprendre leurs intentions. Imaginez l’embarras d’un éducateur qui dit à un enfant qu’il a dessiné un beau chien et que l’enfant en colère lui répond qu’il dessinait son petit frère. Si l’adulte dit plutôt des choses comme : « Tu as pris ton temps avec ce dessin, parle-moi de ce que tu as fait, » l’enfant aura l’occasion de décrire ses intentions et les gestes qu’il a posé pour arriver à ses fins.


En bref, l’éloge souligne la qualité des résultats d’un travail. Il peut générer une peur de l’échec, une dépendance aux autres, et une propension à l’abandon.
À l’opposé, l’encouragement favorise l’autonomie et l’appréciation de ses propres efforts, même en cas d’échec.
Quand un adulte choisit de formuler ses commentaires comme des encouragements, il permet à l’enfant de juger ses agissements de façon réaliste et de reconnaître lui-même ce que ses efforts lui ont fait ressentir, ce qui contribue à bâtir une saine estime de soi. S’ils sont acquis tôt, ces habiletés n’en deviendront que plus puissantes avec le temps.

L'auteure

Suzanne Gainsley est spécialiste en petite enfance à la HighScope Education Research Foundation. C’est une éducatrice HighScope certifiée qui travaille au Centre de démonstration HighScope depuis 1998. Elle a travaillé avec des enfants de l’âge des poupons jusqu’à l’école primaire en tant qu’éducatrice, bénévole et parent. Elle a écrit et coécrit plusieurs publications de HighScope, notamment un livre d’activités à l’intention des parents d’enfants d’âge préscolaire.